dimanche 1 mars 2009

Chambre

Assis sur le lit, je regarde par la fenêtre de cette chambre d'hôtel ; la vue sur le monde est déformée par l'anonymat ambiant des choses. Table et tablette introuvables ailleurs qu'ici, lampe dont on ignore la fonction réelle, rideaux qui servent davantage à cacher le dehors que le dedans, et surtout la fameuse zone industrielle dont le simple nom fait apparaître des plaques de grisaille sale. Et pourtant, toute ma réussite se résume et s'illustre dans cette chambre d'hôtel. Assis sur le lit, je ressens les lignes qui parcourent ces images et qui me traversent et me découpent ; je suis assis dans un ailleurs de hautes murailles opaques et foncées dont rien n'appelle à la rêverie.
Et pourtant, je rêve.
Je rêve de mangas en noir et blanc qui emportent dans un quartier lointain. Loin de mon espace naturel, dans ce quartier de moi découpé en vignettes. C'est ma vie qui s'éparpille dans ces objets iconoclastes, c'est ma vie qui perd son tout dans ces visions étranges et surprenantes.
Et c'est la rêverie qui me prend par surprise.
Je rêve dans le vague, dans l'anonymat du parcours, me laisse aller à ce rien qui flotte et qui m'environne, qui permet d'escalader par degrés les étages du passé ; et je monte, et je grimpe, et je me dirige au hasard, sans rien voir, sans m'attacher au flou des souvenirs. L'absence de couleurs laisse place aux couleurs des morceaux du passé ; l'absence de présence humaine laisse place aux êtres présents, à la présence des êtres passés ; l'absence de bruit rappelle une à une les musiques anciennes, les antiennes de nos muses ; l'absence de tout permet au rien de prendre place et forme et relief et intérêt.
Je peux à présent recomposer ce passé morcellé qui me compose jour après jour, la contemplation des morceaux épars permet la reconstruction, la réhabilitation de soi-même.
C'est assis sur ce lit que je restaure toutes les images de ma vie.
Les choix sont faits.
Delphine Regnard

2 commentaires:

  1. serait-ce un passage à la fiction ? L'entrée du masculin dans ce lieu augure qq chose de nouveau,je le pressens... du côté du roman ? à suivre...
    JB

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  2. je trouve que le "chaque parcelle de mon anatomie" devrait psser au crible du chapitre: "description"
    Mais ce que j'en dis...

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