mercredi 11 mars 2009

...ensuite, il marcha jusque vers la gare où il demanda à un taxi d'avoir la gentillesse de le ramener chez lui par le plus court chemin. Les immeubles qui venaient s'écraser sur sa vitre osaient parfois être éclairés et dévoiler ainsi la présence d'autres vies que la sienne. Il avait posé la pelote à côté de lui et un coup de frein à un feu rouge impérieux la fit rouler par terre. Il se baissa, la chercha des doigts, la reprit fermement et la cala cette fois dans le creux du siège presque sous le dossier. Tant de soin pour rien, songea-t-il ; et ces derniers mots réveillèrent les circonstances de la rencontre et le replongèrent dans des pensées éparses qui se cognaient elles aussi au carreau. Tout dansait, les fenêtres et les immeubles du dehors, les souvenirs du dedans. Le taxi s'arrêta de nouveau, devant sa porte cette fois-ci. Il sortit avec sa pelote, et paya (il fallut chercher dans les poches et imaginer où poser la pelote, sous l'oeil étonné et moqueur du conducteur, qui décidément aurait tout vu). Enfin il put se diriger vers son appartement situé au deuxième et dont l'unique verrou qui fonctionnait mal était la meilleure garantie contre toute attaque extérieure. Parce qu'il suffisait pour ce soir d'avoir été attaqué par une pelote, toute métaphorique qu'elle fût.
La douceur des pantoufles, le moelleux du fauteuil, la chaleur de la couverture, et la douceur de la lumière lui permirent de reprendre ses esprits et de se rappeler qu'il avait bien mieux à faire que de tourner dans les rues. Mais s'il avait tourné dans les rues, c'était pour se signaler aux idées, bien sûr, des idées de métaphores photophores. Souvent l'idée juste lui venait quand il contemplait un peu sérieusement le bois flotté de sa lampe, bois flotté que sa femme partie, enfuie, envolée, délivrée, tout ce qu'elle voulait, que sa femme partie avait fabriqué sous son oeil étonné et moqueur, sous son oeil stupide de celui qui ne comprend rien ou bien toujours après c'est-à-dire trop tard. Ce bois flotté, oeuvre d'art de la nature vraiment imaginative et pleine de ressources, avait le poli et la couleur qui convenaient à ses divagations.
Il devait finir ce travail ce soir et rien n'avançait, bien sûr ; après le troisième thé, il s'assit lourdement à son bureau, bailla fort, prit son plus beau stylo, enfin, celui qui devait écrire le mieux, et s'apprêta à tracer des mots, les mots, ceux qui sont si beaux et qu'on voudrait savoir par coeur pour les retenir en soi et s'en servir comme de prétextes à vivre .
Mais il se souvint exactement à ce moment-là de la pelote.
Ah, décidément, cette pelote... Et où est-elle d'ailleurs ? Comment se fait-il que je n'y aie pas prêté plus d'attention ? Ah oui, le bois flotté, le thé, ma femme, mes pantoufles, mes idées, mes prétextes...
Rassemblons nos objets : du bois flotté ramassé par une personne qui ne veut plus le voir (le bois), la pelote lancée par une personne qui ne veut plus du vêtement (je suppose), une tasse de thé en verre (aux rondeurs qui plaisent aux femmes qui justement boivent du thé -vert- pour perdre un peu les leurs), une cuiller (rien à en dire), mon stylo acheté chez la libraire chez-qui-je-n'irai-plus-jamais.
Il faudrait à ce stade progresser davantage.
DR

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