dimanche 8 mars 2009

C'est au moment précis où le coup l'atteignit qu'il se rendit compte qu'il marchait depuis quelque temps sans bien regarder autour de lui, de façon nonchalante et automatique... Même les petits hommes rouges ou verts ne l'avaient pas perturbé jusque-là, pas plus que les nombreuses flaques qui devaient, forcément, redessiner les motifs premiers de son pantalon. Et puis ce retour à la réalité, inattendue et violente provoqua en lui, en même temps que le geste pour porter sa main à son crâne, un flot de sensations et de réflexions désordonnées ... Serait-ce la main de la fameuse statue de Mytis qui vient, enfin, me rappeler à mon triste sort de mortel ? non. Je n'ai pas commis de forfait particulier ces derniers temps. Alors, un mauvais roman qu'un lecteur un peu sérieux et courageux aura jeté par la fenêtre ? non, pas de trace de la moindre feuille ... Une canette déformée jetée au hasard du vent pour en écouter l'effet sonore à défaut d'en avoir goûté l'effet bienfaisant ? Non plus... Alors, il chercha des yeux sur le trottoir, luisant, forcément, on vient de dire qu'il y avait des flaques donc il avait plu récemment, peut-être même pendant la promenade de ce monsieur au pantalon dégouttant, et dégoûtant tout autant, alors, il chercha des yeux l'objet insolite qui pouvait avoir eu cette force de conviction, cette force de persuasion aussi, cherchant à lui démontrer l'intérêt de sortir du vide de ses pensées, il le chercha, le trouva, la vit.
Il la vit, mais ne rougit pas, ne changea à vrai dire pas de couleur. Non, il changea d'humeur, mais de l'intérieur, à part lui.
Il vit cette pelote rouge jetée à toutes forces par quelqu'un qui, il l'entendait après coup, quelqu'un qui criait que tout ça c'était pour rien, pour rien. Et la conjonction avec Mytis se fit lumineusement dans son esprit. Oui, mieux que le bras vengeur de la victime, c'était le bras vengeur d'une autre victime, mais totalement indifférente et étrangère à son histoire, qui avait rejoint sans le savoir le fil de sa propre vie en tâchant de se débarrasser -rageusement ? - du fil, rouge, de la sienne.
Alors, toute la dimension tragique de l'existence lui apparut, sur ce trottoir détrempé, luisant, dans son pantalon recomposé, les bras ballants, la main refermée sur cette pelote honnie. Que peut-il se passer ensuite dans l'existence quand on se tient seul sur un trottoir mouillé, dans une rue ignorée, une fois toute la pluie du ciel tombée, et à verse, que peut-il se passer ensuite dans l'existence lorsqu'on a une pelote de laine rouge à la main qui de toute évidence ne mérite pas qu'on la ramasse ?
Que peut-il se passer ?

Delphine Regnard

2 commentaires:

  1. et si on allait de concert vers un roman? nous avons notre début, deux personnages, deux voix, deux mains (enfin toi ,tu dis 4)
    et nos désirs ?
    je te renvoie le pelote

    Julia

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  2. oui !!!
    oui !!
    oui!
    oui...
    voui tout petit
    qui aimerait drôlement bien
    mais qui a peur
    si si
    et qui dit
    encore !
    merci

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