mercredi 11 mars 2009

elle (2)

Elle se penche à la fenêtre. Un homme s’est baissé pour ramasser la pelote. Elle sourit un instant, imaginant qu’elle aurait pu l’estourbir, à quelques centimètres près. Elle pense ce mot, estourbir, et se rend compte qu’il est vieillot et qu’elle ne l’utilise jamais. Elle voit l’homme s’éloigner, la boule rouge dans la main et ce geste lui donne à croire quelques secondes que peut-être, c’est un signe. Elle a toujours été sensible à ces signes qui viennent parler dans le silence des choses et des êtres. Elle s’attache à regarder où les feuilles s’envolent l’automne, elle observe les nuages et décrypte leur langage, elle compte les marches des escaliers et sait que si le nombre est impair, elle a une chance de trouver des portes ouvertes. Elle aime le 11, qui l’accompagne depuis son enfance, c’est son compagnon de route, quand il se présente, elle a confiance. Tout en pensant cela, elle se rend compte qu’aujourd’hui est le 11 du mois de mars. Elle hausse les épaules, referme la fenêtre, tourne la poignée de métal rond et blanc, vieil ouvrage du siècle dernier. Elle range la boite à pulls sur le dessus de l’armoire, passe sa main sur son édredon, caresse qui vient redonner son gonflant aux plumes, et sort de sa chambre. C’est l’heure de se faire un thé. Toutes les heures sont des heures à thé se dit elle. A nouveau ses pensées l’assaillent, elle tente de les faire fuir, passe ses mains sous l’eau comme pour se laver de ce trop qui la déborde, passe l’éponge sur la table, propre, pour balayer ce qui la submerge, mais elle sait que ces subterfuges ne changeront rien. Choisir son thé, à cette heure de l’après midi , elle aime "vie éternelle", son goût blanc, ses fleurs bleues. Elle fait chaque geste de sa cérémonie, avec lenteur et justesse. Echauder sa théière de fonte, la préparer avant de déposer deux cuillerées de ce thé, recouvrir d’eau, attendre, 3 minutes, a écrit le marchand sur le sachet . Sortir la petite passoire, la déposer sur la coupelle de porcelaine, (un homme un jour la lui a offerte, c’était dans une petite boutique du centre de la France, il lui avait tendu l’objet en murmurant qu’il avait envie de faire un cadeau à une inconnue, parce qu’il était heureux. Elle avait aimé ce geste et depuis lors y déposait le thé infusé, plusieurs fois par jour). Rincer sa tasse, à l’eau chaude, faire couler le liquide brulant en levant la théière un peu trop haut, à la marocaine. Fermer les yeux et boire, en espérant un moment de répit, sentir la chaleur dans son ventre.
JB

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