lundi 20 avril 2009

lui (8)

Bon, c'est le moment de croire qu'il va bientôt arriver quelque chose qui va changer le cours des choses. Impossible de réécrire le voyage qui ne doit avoir lieu qu'une fois. Chaque pas est irréversible.
Alors, se dit-il, si j'étais, comme je le devrais, au lieu d'être là à tanguer contre les parois de ma vie, si j'étais en train d'écrire à mon bureau quelques lignes un peu meilleures, je décrirais volontiers le miroir encerclé de bois flotté aperçu aujourd'hui dans une vitrine, parce qu'apparemment le bois flotté parle à un grand nombre, et j'écrirais une rencontre entre moi (lui) et une ancienne connaissance ; cette rencontre serait l'occasion de faire le bilan de la vie de lui (moi) et surtout me permettrait d'oublier cette pelote de laine rouge. Je pourrais alors m'asseoir sur un banc, il faudra penser à insérer un banc, pour enfin soulager mon dos lacéré des coups de la vie. Est-ce que ce soir je pourrai me regarder dans le miroir ?
Mais je ne sais plus écrire tout ce qui me déchire. J'ai beau être en lambeaux, les morceaux restent collés entre eux, par un point d'attache minuscule ; qu'est-ce qui fait que je parviens encore à déambuler dans ces rues, à courir après le stupide projet de retrouver le possesseur de cette pelote ? Je lève les yeux et j'attends qu'il se déclare. Déclare-toi ! Lance-toi ! Déroule-toi ! Comme si tu étais le seul à souffrir, subir, porter et te débattre.
Je voudrais m'asseoir sur ce banc aux angles arrondis, usés par la pluie et les godasses d'adolescents informes se dépliant dessus, un banc centre du monde, témoin de nos passages, un banc de soutien à la vieille dame qui avance encore, un banc de ravitaillement au bébé qui pleure, un banc pour réfléchir et rêver et projeter, un banc pour espérer se lever et avancer.
Depuis quelques instants il repense avec quelle passion il lit depuis quelques jours le quotidien jugé sérieux dans son milieu ; prendre des nouvelles de l'extérieur, est-ce vraiment redécorer son intérieur ? Alors, voilà, je m'assois sur mon banc, je déplie mon dos et mon journal (il aime cette figure de style), je lis, j'attends l'événement, et le crée s'il ne vient pas. Mes doigts sont noircis mais qu'importe.
delphine regnard

2 commentaires:

  1. serait ce l'avenement d'un nouveau personnage??? Un "il" narrateur...? Voilà qui pourrait être un fil à tirer...???? A suivre
    Jb

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  2. oui, il faut juste le trouver, l'accepter...
    DR

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