mercredi 15 avril 2009

Elle (7)

Des instants, elle en a perdus, dépensés, gaspillés ; le temps, elle le distend, tire dessus, remonte la couverture jusqu’à faire disparaître sa présence et son corps. Elle en a lesté du temps, au fond de sa baignoire, du bout de ses lèvres, en emplissant sa tasse de thé pour la millième fois de la journée, en accrochant son sac sur la corde raide de sa solitude ; elle s’est vautrée dans les jours, les heures, la ténuité des secondes ; elle s’en est repu, remplie, lui a laissé toute la place et même davantage. Alors s’asseoir et demander un nouveau sursis revient juste pour elle a se coucher dans cette inaction qui la protège si bien du monde et des hommes, qui le sépare d’elle, déliant corps/esprit ; ce moment qu’elle se réclame à elle-même est une fois de plus la fuite et l’abandon, elle s’abandonne tranquillement sur le bord de la vie, dans les bras d’une temporalité qui perd toute mesure, toute profondeur. Encore un moment se dit elle, hypocritement, parce qu’elle en arrive à se mentir maintenant. Elle court déjà après sa pelote, elle court dans sa tête après ce fil rouge qui ne peut que la conduire quelque part, ailleurs, car c’est bien ailleurs qu’elle cherche déjà tout en refusant de se l’avouer, se tenant assise dans la cuisine , se faire croire encore qu’elle est arrêtée comme une montre, une horloge s’arrêtent parfois. Elle se ment, devant sa tasse de thé refroidie. Elle veut se faire croire qu’elle n’est pas prête, qu’elle est coincée là, avec sa misère, sauf que c’est trop tard, elle a pris le goût de l’ailleurs, seule issue possible à sa vie.
Julia Billet

1 commentaire:

  1. Merci pour ce ti momento de lecture les filles... Je crois que je vais chercher un éditeur pour qd...???? Pour bientôt j'espère....

    Continuez c tout bien....

    F...

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