lundi 4 mai 2009

Lui (9)

Il se prit à rêver de déambuler dans une autre ville aux avenues larges et royales, au tracé apaisant, où le regard pourrait s'étendre de son long pour laisser aller l'esprit, laisser se forger les émotions qui montent doucement, gouttes en suspension, reflets des mots en dilatation. Une ville suffisamment grande pour s'y lover et se retrouver, pour espérer rencontrer les personnes qui manquent à l'appel. Raconter la cadence des pas qui mènent précisément jusqu'au parc, s'asseoir au bord de l'eau et écouter le bruit du vent sur l'air éphémère de cette croisière imaginaire, écouter le doux clapotement des rames dans les ronds de l'onde, écouter le coeur battre un peu plus fort, et puis, enfin, sentir les mains se serrer sur le sable de l'allée où l'on se serait mollement allongé. Et puis se relever pour partir à nouveau vers ses pensées logées au creux de cafés qui lisent les gros titres, au creux de restaurants qui dépaysent et qui nourrissent patiemment. Une ville où les murs vous parlent de vous-même, de votre histoire collective. Une ville où le détour n'est que contour.
Et puis, l'expression du bois flotté revint encore, semblable à la pelote. Du bois, du fil, de l'écriture en suspension (c'est le contrat, postulat de l'expérience), des mains et des écrans blancs, écrins blancs à colorer de forces vives et écarlates. Ecrire pour relire et ressentir ce voyage qu'il aime tracer sans cesse, qui le rassure et remplace, ou procure, l'ivresse. Voyages pédestres d'une ville à l'autre... Non plus des voyages d'affaire mais des voyages à refaire, intérieurement, patiemment, pierre à pierre, dictionnaire de rêves et d'aléas.
Et puis composer, rassembler tout ça, profiter du regard attentif, du téléphone qui vibre selon les pulsations du coeur, présence rassurante d'amis fidèles.
Tout flotte.
Il aimait marcher et se replier, sur les bancs, pour tout ça.

Delphine Regnard

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